Jérôme Thion : "Le réseau et les connexions sont essentielles dans le monde du sport"
- Benjamin Deschamps
- 15 juin 2021
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 févr. 2022
Joueur professionnel de rugby pendant plus de 15 ans, le multiple champion de France et international français a participé à plusieurs Coupes du Monde Rugby. Jérôme Thion dit « Hercule » ou « La Machine » est désormais consultant pour la télévision. Il revient sur son parcours et sur la découverte de ce nouveau métier qu’il n’aurait jamais imaginé faire.

Benjamin : Quelles sont tes missions principales et que veut réellement dire consultant sportif ?
Jérôme : C’est large. Le métier de consultant sportif englobe pas mal de choses. La plupart du temps ce métier est exercé par des anciens joueurs. Dans le rugby cette mission doit être pertinente. Notre rôle est de développer un aspect technique ou tactique, tout en apportant notre expérience terrain. Nous devons avoir une grande capacité d'analyse et de vigilance pour être capable de retranscrire avec des mots simples les actions afin que le téléspectateur puisse les comprendre
Benjamin : Comment s’est déroulée ta reconversion suite à ta carrière sportive ? As-tu fait des études pour prétendre à au poste de consultant ?
Jérôme : C’est un pur hasard. A la fin de ma carrière sportive en 2013, j’ai repris les études pendant 2 ans. Mon cursus n'avait rien à voir avec ce que je fais aujourd'hui. Toutefois je connaissais bien le monde médiatique du rugby puisque c'était un cercle plutôt fermé. J’ai commencé par présenter une émission sur Eurosport avec Christian Califano nommée «Les Tontons flankers ». Suite à cela, on m’a proposé d'être consultant pour la Pro D2 car il y avait un poste vacant. J'y suis resté 5 ans. Eurosport a perdu les droits de la Pro D2 au profit de Canal Plus. J’ai contacté Eric Bayle (ndlr : commentateur à Canal+) qui est un bon un ami à moi, afin de rejoindre le groupe Canal+ et « bingo », j’ai commencé la semaine d’après !
"Personne ne doit se retenir de dire quelque chose qu’il juge intéressant, tout peut être entendu à l’antenne, tant que cela reste d’un point de vue bienveillant."
Benjamin : Si tu n’avais pas été joueur professionnel te serais-tu orienté vers une branche comme celle-ci ?
Jérôme : Jamais. Même lorsque j'étais joueur je ne me suis jamais imaginé faire du consulting pour la télévision. En tant que joueur, lorsque l’on a fait un match moyen, il est difficile d’accepter la critique d’un consultant en plateau. Je ne me voyais donc pas commenter la performance des joueurs publiquement à la télévision ! Au-delà de ça, chacun peut amener son expérience et son point de vue tout en restant crédible dans ses propos. Il faut tout de même savoir mesurer ses paroles et avoir une certaine retenue pour ne blesser personne.

Benjamin : A quoi ressemble ton planning de consultant ? Comment te prépares-tu au direct ?
Jérôme : Tout dépend du domaine que tu vas traiter. Sur un commentaire de match, Il faut travailler la préparation d’avant-match, ainsi que la composition des équipes, les modifications par rapport au match de la semaine dernière, regarder le calendrier, le parcours des uns et des autres, etc. Comme tu peux le constater, il y a une grosse préparation en amont. Après, pour le commentaire en lui-même, c’est du direct. Nous devons trouver le bon mot sans se marcher dessus. Cela vient avec l’expérience et les accroches que tu as avec les autres consultants.
Pour la préparation de l’émission, on a une trame. Nous savons exactement quelle rencontre va être abordée ainsi que son timing. En fonction des matchs que nous regardons, nous devons noter toutes les pénalités, les essais, les angles à mettre en place pour le debrief, ainsi que les points d’améliorations. Nous devons surtout être le plus précis possible en quelques minutes ! Il faut prendre des notes sur l’analyse des équipes, sur le classement, les derniers résultats, pour être incollable sur le sujet ! C’est très important de ne pas arriver les mains dans les poches en disant « bon alors qu’est-ce que l’on va faire aujourd’hui ? »
Benjamin : Te vois-tu évoluer en tant que consultant encore longtemps ou aimerais-tu changer de poste ?
Jérôme : Je n'en ai absolument aucune idée. Je ne me suis jamais posé la question pour tout te dire. Je le vis comme une passion. Quand j'ai arrêté ma carrière sportive, il y a eu comme un gros vide en moi. J'ai quand même passé près de 15 ans à évoluer avec un groupe de 35 mecs ! Le nouveau départ est rude. Être consultant n'est d'autre qu'un luxe de pouvoir rester dans le monde du rugby. Je ne sais pas où je serai dans quelques mois voire quelques semaines. C’est un peu la loi de l’offre et de la demande, du jour au lendemain nous pouvons nous retrouver sans rien, comme je l’ai déjà vécu avec Eurosport. Il est important d’avoir des connexions et un bon réseau car c’est un monde assez fermé. Lorsque l’on commence à rester longtemps dans ce domaine, une certaine crédibilité se développe autour de notre personne et que nous plaisons aux téléspectateurs.

Benjamin : Qu’est-ce qui est le plus dur à gérer lors d’un passage à l’antenne en direct ?
Jérôme : Au début, je voulais vraiment être irréprochable car c’est un monde que je découvrais complètement. Je voulais éviter la moindre petite faute à l’oral. C’est comme lors d'un avant-match, il y a l’appréhension avant le coup d’envoi mais dès qu'il est donné, nous essayons au mieux de réciter notre partition. C’est similaire à un live à la télé : tu te poses des questions sur les impressions que tu vas donner aux téléspectateurs, et dès que le live a commencé, tu parles de manière spontanée sur un sujet que tu maitrises.
Benjamin : Tu gères également en parallèle un restaurant sur Biarritz. Arrives-tu à trouver le temps de t’en occuper avec ton poste de consultant ?
Jérôme : Il faut savoir que le poste de consultant me prend seulement 1 à 2 journées de travail par semaine, entre les émissions du jeudi, vendredi soir et quelques fois le samedi soir avec Canal Sport Club et Jour de Rugby. Le reste du temps, je me consacre à mon autre activité, ce qui me permet d’abord de pouvoir déconnecter du monde du Rugby, mais aussi de pouvoir continuer à ’avoir une véritable activité professionnelle à côté, autre que le sport.

Benjamin : Quel conseil pourrais-tu donner à un jeune qui souhaiterait devenir consultant, afin qu’il parte sur de bonnes bases ?
Jérôme : Tout d’abord, il faut être passionné, rigoureux, et surtout faire preuve d'une très bonne analyse et de recul concernant les matchs que tu viens de voir, tout en restant objectif, et avec des propos mesurés. Il ne faut pas se prendre au sérieux, ne pas penser qu’on a toujours raison ou d’avoir la science infuse. Personne ne doit se retenir de dire quelque chose qu’il juge intéressant, tout peut être entendu à l’antenne, tant que cela reste d’un point de vue bienveillant. C’est également important de se mettre à la place des joueurs, et essayer de comprendre leurs faits et gestes et la stratégie mise en place.
Benjamin : Tu as également fait des études en management, quel était ton objectif derrière cela ?
Jérôme : Dans un premier temps, il s’agissait de reprendre des études pour avoir une certaine crédibilité, et pouvoir trouver quelque chose qui me plairait une fois ma carrière terminée. Lorsque que l'on est joueur professionnel, nous ne sommes crédible qu’auprès des gens qui s’intéressent au rugby, mais dans les autres domaines nous n’avons pas notre place donc il était important pour moi de pouvoir repartir sur des bases saines, pour justement arriver sereinement dans mon après-carrière, et enfin pouvoir être maitre de ton destin ! Je voulais me retrouver pour pouvoir me sentir prêt à intégrer le monde de l’entreprise.
Le 15 juin 2021. Propos récoltés par Benjamin Deschamps. Mise en forme par Lucie Vanlian. Tous droits réservés
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