Timothé Ivaldi, le tennis de table dans le sang
- Benjamin Deschamps
- 28 mai 2021
- 7 min de lecture
A quelques jours du Tournoi de qualification pour les Jeux Paralympiques de 2021 de Tokyo, partons à la rencontre de Timothé Ivaldi, pongiste international français en sport adapté, et un des tout meilleurs au monde dans sa discipline. Il revient sur son parcours, son palmarès, mais également sur son amour pour ce sport, qui l’a littéralement métamorphosé.

Benjamin : Salut Timothé, pourrais-tu te présenter ?
Timothé : Je viens d’Annecy en Haute-Savoie, et je fais du Tennis de table en sport adapté et en valide, dans mon club l’ACMTT (Annecy Cran Meythet Tennis de Table). J’ai commencé ce sport à l’âge de 11 ans.
Benjamin : Comment en es-tu arrivé à pratiquer le tennis de table ?
Timothé : J’ai découvert ce sport dans les centres de vacances, et c’est alors que quelqu’un vient me dire « tu te débrouilles bien, pourquoi tu ne jouerais pas dans un club ? », et j’ai donc décidé par la suite de me lancer ! J’ai d’abord commencé à jouer en valide, et à l’âge de 15 ans je me suis finalement orienté dans le sport adapté avec mon handicap.
Benjamin : Combien de temps consacres-tu au tennis de table par semaine ?
Timothé : Pendant la crise du COVID, nous n’avons eu quasiment aucune compétition. J’ai pu participer à un tournoi au CREPS de Poitiers en février 2021, que j’ai gagné, ce qui me permet d’atteindre le TQP (Tournoi de Qualification Paralympique) pour les jeux de Tokyo en 2021, qui se déroulera à Lasko en Slovénie, au tout début du mois de juin.
Toutes les deux semaines, je vais au CREPS de Poitiers, car il s’agit du centre national du sport adapté en tennis de table. Je m’entraine du lundi jusqu’au vendredi en individuel et collectif, et j’ai également de la préparation physique, des entrainements avec ma conseillère technique, de la préparation mentale, mais également du yoga, de la relaxation et de la méditation !
"Pour réussir, il faut travailler."
Benjamin : Peux-tu nous parler de ton palmarès ?
Timothé : En 2016, j’ai été champion régional de sport adapté en séniors et juniors, c’est d’ailleurs à cette occasion que j’ai été détecté par l’équipe de France. En juin de la même année, j’ai été champion de France en simple, double homme et double mixte. En juin 2017, j’ai été Champion de France junior, en simple, double homme et double mixte, 2ème en double mixte séniors et 3ème en double mixtes séniors. En octobre de la même année, j’ai été Champion du Monde par équipes en République Tchèque, 3ème en simple junior et 3ème en double homme. En 2018, j’ai remporté l’Open d’Espagne toutes catégories en simple, et 2ème par équipes. En 2019, j’ai été Champion de France en simple et double mixtes en junior, et 2ème en double hommes. En septembre 2019, j’ai été Champion d’Europe par équipes, en j’ai terminé 3ème aux Olympiades de Brisbane en Australie. En février 2020, j’ai terminé 3ème en simple à l’Open de Pologne, et champion par équipes. En mars de la même année, j’ai fini 3ème par équipes à l’Open d’Espagne. Enfin en 2021, j’ai remporté le tournoi d’accession au TQP pour les Jeux Paralympiques 2021. Voilà c’est tout (rires) !

Benjamin : Y a-il une grosse différence de niveau entre le niveau « valide » et le sport adapté ?
Timothé : C’est sûr ! Le niveau valide est plus élevé, mais le niveau international du sport adapté est de plus en plus fort sur ces dernières années ! Il faut savoir qu’en sport adapté, il existe plusieurs catégories : la catégorie I1 représente la déficience mentale (catégorie représentée aux jeux paralympiques), la catégorie I2 représente la trisomie 21 et la catégorie I3 regroupe les joueurs atteints d’autisme. Beaucoup de gens pensent que le sport adapté est « faible » mais pas du tout ! Ce sont les mêmes règles et les mêmes dispositions qu’en valide ! Pour dire, le premier français I1 est classé 350ème mondial en valide.
Benjamin : Tu fais partie des meilleurs pongistes français en sport adapté, comment fais-tu pour te maintenir au plus haut niveau ?
Timothé : Les exigences restent les mêmes dans tous les sports, il n’y pas de secret, pour réussir, il faut travailler. Il est très important d’avoir une très bonne hygiène de vie et bien respecter les heures de sommeil. Après d’un point de vue sportif, il faut être très rigoureux sur la préparation physique, et mentale, en gardant du sérieux à l’entrainement. Je suis resté motivé, impliqué avec un très bon comportement sur et en dehors du terrain, et les efforts payent forcément à un moment !

Benjamin : Comment arrives-tu à t’entretenir pendant la période du COVID ?
Timothé : J’ai fait tous les jours du physique pendant le premier confinement avec mon préparateur, beaucoup de gainage, de running, de corde à sauter etc… La préparation physique reste primordiale, mais surtout, obligatoire pour rester en forme. Pendant cette longue période, je continuais à m’entrainer seul, et je n’avais pas le choix, j’étais rigoureux avec moi-même !
"Je suis très fairplay, mais je suis un tueur à la table"
Benjamin : Comment gères-tu les moments de doutes et les périodes difficiles pendant un match ?
Timothé : Il faut souffler, respirer pendant les points, ne jamais rien lâcher et surtout, rester calme. Un joueur qui s’énerve, est quasiment sûr de perdre le match. Il est important de prendre un temps mort au cours d’une partie, pour prendre le temps de se remettre, comprendre ce qui ne va pas, et repartir dans la partie sereinement ! Il ne faut pas paniquer, même quand tu perds de beaucoup de points, tout peut arriver pendant un match.
Benjamin : Qu’est-ce qui te plait le plus dans ce sport, et qu’est-ce qui est le plus compliquer à travailler selon toi ?
Timothé : J’adore l’esprit de compétition, la relation avec le coach, et tous les différents entrainements avec mes coachs !
A mon avis, Il faut apprendre à se maitriser sur un terrain et c’est ce qui est le plus dur. Certaines personnes, que cela soit en valide ou non, s’agacent et s’énervent très facilement. C’est un sport tellement rapide et précis, qu’il faut prendre le temps de rester concentré sur sa partie, peu importe le score. Il faut savoir reconnaitre la défaite, et rebondir par la suite. Je suis très fairplay, mais je suis un tueur à la table (rires) !

Benjamin : Tu as également fait du cirque et du tennis auparavant, mais qu’est-ce qui t’a séduit dans le tennis de table ?
Timothé : J’ai vraiment l’impression que mon handicap disparait quand je joue au tennis de table. J’arrivais à rivaliser avec des personnes valides. Je suis dyspraxique, ce qui fait que j’ai quelques soucis de coordination et mobilité. Dans les autres sports, j’arrivais à progresser mais à un moment mes efforts stagnaient. Alors qu’au tennis de table, j’ai remarqué que j’arrivais à tout le temps m’améliorer, si bien que j’arrivais à affronter et battre les autres joueurs de mon âge ! Mon évolution a été perpétuelle et je ne me suis jamais retrouvé dans une situation d’échec dans ma progression.
"Beaucoup de gens ne comprennent pas la différence entre le handisport et le sport adapté"
Benjamin : Trouves-tu que le sport adapté est considéré en France ?
Timothé : Pour moi non, le sport adapté n’est pas assez médiatisé par rapport à l’handisport. Certes il y a du progrès en termes de développement, mais ce n’est pas encore suffisant, nous n’avons jamais eu de passage télé par exemple. La majorité des personnes n'arrivent même pas à distinguer le sport adapté du handisport, donc tant que les gens ne comprendront pas les différences entre les deux, il sera compliqué de promouvoir au mieux le sport adapté. L’handisport se traduit par des soucis moteurs, mais ils n’ont pas pour autant des soucis d’élocution et d’expression. Alors que le sport adapté contient des pratiquants ayant des handicaps cognitifs, donc il est souvent plus facile de s’exprimer.
Ma ville d’Annecy a tenu à organiser, en 2018, les championnats de France de tennis de table en sport adapté, donc des efforts sont tout de même faits, mais il faut persévérer, et constamment continuer à parler de nous ! A mon gout, peu de clubs sont affilier sport adapté…

Benjamin : Où-est ce que tu te vois dans 5 ans ? Une perspective d’avenir ?
Timothé : Je veux clairement rester dans le tennis de table, pour la simple et bonne raison que je veux pouvoir me qualifier aux jeux paralympiques de Tokyo 2021 et Paris 2024. Le tennis de table, c’est toute ma vie, je vais tout mettre en œuvre pour atteindre cet objectif. Je suis persuadé que je peux réussir. Par rapport à d’autres choses, pouvoir me qualifier aux jeux reste le plus important ! Je veux durer le plus longtemps possible, et pourquoi ne pas viser les jeux de 2028 (rires), mais je veux prouver à mes coachs, à ma ville, et à tout le monde que je vais accomplir mon rêve ! Le sport dépasse le handicap.
Benjamin : Si tu devais donner envie à un petit garçon ou fille de venir essayer ton sport, comment est-ce que tu t'y prendrais ?
Timothé : Le tennis de table, c’est avant tout un sport ou l’on s’amuse beaucoup. Tout le monde peut en faire, que cela soit en loisir tout comme en compétition. Cela permet de travailler sa concentration, mais également de créer des liens. Le relationnel avec le coach et mes coéquipiers est vraiment incroyable. Tout le monde peut venir essayer un entrainement, tu seras accueilli à bras ouverts, c’est ça qui fait la beauté du tennis de table ! Pour finir, j’aimerais passer un mot : si vous avez un handicap psychique, une déficience mentale, si vous êtes autiste ou trisomique et que
vous aimez le sport, et bien venez faire du sport dans un club affilié à la FFSA (Fédération Française du Sport Adapté) ! Vive le ping, vive le sport adapté, et vive les picots ! (Ndlr : revêtement atypique d’une raquette qui permet d’avoir un jeu écrasé)
Merci beaucoup Timothé pour le temps que tu m’as consacré, et bonne chance pour le TQP !
Publié le 28 mai 2021 par Benjamin Deschamps. Mise en forme par Lucie Vanlian.Tous droits réservés.
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