Christophe Lemaitre, plus rapide que son ombre
- Benjamin Deschamps
- 6 juil. 2021
- 5 min de lecture
Premier homme blanc à avoir couru le 100 mètres en moins de 10 secondes, Christophe Lemaitre est une figure du sprint français : détenteur du record de France du 200 mètres, ancien détenteur du record du 100 mètres, il a également été 4 fois champion d’Europe, et 20 fois champion de France. Il a hérité de la médaille de bronze du 200 mètres aux derniers Jeux Olympiques de Rio 2016. Revenons sur le parcours de ce compétiteur hors pair, qui est toujours resté fidèle à ses origines.

Benjamin : Peux-tu nous parler de toi?
Christophe : J’ai 31 ans et fais de l’athlétisme depuis 2005. Je suis 8 fois médaillé aux championnats d’Europe (Ndlr : 4 or, 2 argent, 2 bronze), médaillé mondial sur 200 mètres, 3ème aux Jeux Olympiques de Rio 2016 et pour finir, recordman actuel français sur 200 mètres. Concernant mes études, j’ai d'abord fait un BEP Bac Pro Micro techniques. Suite à cela, j'ai mis mes études de côté afin de me consacrer à l’athlétisme pour finalement les reprendre après les Jeux Olympiques de Londres en 2012. J'ai alors effectué un DUT en métiers du sport au Bourget-du-Lac et ai fait une formation en communication des entreprises à l’IUT d’Annecy-Le-Vieux.
"Que tu gagnes ou que tu perdes, c'est ton entière responsabilité"
Benjamin : Comment en es-tu arrivé à l’athlétisme ? As-tu essayé plusieurs sports ?
Christophe : J’ai essayé beaucoup de sports : Du handball, du rugby en passant par le football et le hand. J’ai eu l’occasion d’en essayer davantage à l’UNSS lorsque j'étais au collège. J'ai un jour participé à une compétition d’athlétisme et cela m’a directement plus, donc j’ai continué ! Ce que j’aime dans ce sport c’est le côté « individualiste » : que tu gagnes ou que tu perdes, c’est vraiment ton entière responsabilité. Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même lors d’échecs, mais quand tu gagnes, c’est uniquement grâce à soi-même !

Benjamin : Tu as longtemps pratiqué le 100 mètres, pourquoi as-tu décidé d'ensuite t'orienter vers le 200 mètres ?
Christophe : J'ai toujours su que le 200 mètres était fait pour moi. Mais je n'étais tout simplement pas assez performant foncièrement. J'ai attendu plusieurs années en m'entrainant sur le 100 mètres afin de travailler à la fois ma vitesse et mon endurance, pour exploiter tout mon potentiel et ainsi prendre un maximum de plaisir !
Benjamin : A quoi ressemble tes semaines d’entrainements ?
Christophe : Je fais maximum 2 séances de musculation par semaine. Le reste est très traditionnel avec des entrainements de sprint et de côte.

Benjamin : Comment appréhendes-tu le fait de ne pas avoir le droit à l’échec sur une épreuve aussi courte ?
Christophe : Je ne me suis jamais posé la question pour être honnête. Je me suis toujours focalisé sur moi-même, sur ma course et jamais sur ce qui se passe aux alentours. J’arrive à faire le vide, pour ne voir que moi. Je ne pense pas à cette « tolérance zéro ». Je cours et mon équipe et moi voyons le résultat à la fin (rires).
Benjamin : Qu’est-ce qui est le plus compliqué à gérer ou le plus perturbant sur une course ? Le public, un adversaire devant toi... ?
Christophe : Il n’y a pas spécialement de facteurs qui me perturbent ou que je trouve plus impressionnant qu’un autre. Lorsqu'un adversaire est devant moi, je ne me pose pas 1000 questions. Je reste concentré uniquement sur ma foulée pour pouvoir le rattraper et essayer de le doubler. Toute ma course ne tient qu’à moi, donc je suis le seul à me mettre des contraintes ou à me mettre en difficulté.
"Un bon départ, c'est 1/3 de la course réussite"

Benjamin : Y a-t-il beaucoup de différences entre la préparation d’un 100 et d’un 200 mètres ?
Christophe : Je pense que c’est une autre appréhension de la course. Je ressens beaucoup plus de pression et de tension lors d'un 200 mètres car c’est une épreuve bien plus physique et bien plus dure à encaisser. À la différence du 100 mètres, le 200 mètres inclue un virage. C'est un aspect bien plus technique à maitriser. Logiquement, il faut être capable de tenir la distance afin de retarder au maximum le phénomène nous ralentissant, car l’acide lactique rentre en jeu (rires) !
Benjamin : Est-ce que le départ a un gros impact sur la suite de la course ?
Christophe : Un bon départ, c’est 1/3 de la course qui est réussi, ça c’est sûr. Il va conditionner la course. Un bon départ permet d'être lancé dans de bonnes conditions et d’être dans les meilleures dispositions possibles. Pour travailler cela en entrainement, je fais énormément de départs, il n’y a pas de secret. J’analyse ensuite tous les signaux de temps de départ des starters. Je fais pleins d’exercices pour travailler ce temps de réaction, primordial en athlétisme.

Benjamin : Comment appréhendes-tu les moments difficiles ?
Christophe : Il ne faut pas se morfondre, savoir se remettre en question, comprendre pourquoi ça s’est passé comme ça et surtout continuer de travailler ! Les contres-performances font parties de la vie des sportifs de haut et très haut niveau, car on pousse notre corps à des intensités qui sont très élevées. Il faut s’attendre à ce que certaines fois tout ne marche pas comme prévu. Le plus important est de prendre son temps, sans se précipiter, c’est obligatoire pour réussir.
"Mon meilleur souvenir? Incontestablement ma médaille aux JO de Rio 2016"
Benjamin : Est-ce que tu as remarqué une évolution de ta mentalité ou de ta manière de travailler au fil des années ? Quels sont les souvenirs mémorables que tu gardes ? Christophe : Quelques années en arrière, j’étais plus insouciant - à cause ma jeunesse sans doute - je me posais moins de questions, mais j’avais moins de recul sur mes performances. Maintenant je sais comment me préparer au mieux, analyser mes résultats de la manière la plus efficace ! Tout se fait grâce à l’expérience, il n’y a qu’en faisant, que l’on apprend. Mon meilleur souvenir ? Incontestablement ma médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Rio 2016. Concernant mon moins bon, je dirais ceux de Londres en 2012 : c’était ma première très grosse compétition et je découvrais les ambiances de grands stades. D’un point de vue sportif, je n’ai pas été à la hauteur.

Benjamin : Où te vois-tu dans 5 ans ? Souhaites-tu entrainer ? Christophe : Si j’ai toujours l’occasion de rester dans l’athlétisme, j’y resterais volontiers ! Si je souhaite devenir entraineur ? Je n’ai pas l’impression d’être très pédagogue mais pourquoi pas essayer ! Cependant, c’est un domaine dans lequel je m’épanouis depuis de nombreuses années. J’ai grandi à travers ce sport et je veux lui rendre tout ce qu’il m’a apporté.
Benjamin : Si tu n’avais pas été athlète, qu’aurais-tu voulu faire ?
Christophe : Avant d’être professionnel, je voulais travailler dans le domaine des énergies renouvelables, pour pouvoir intégrer « à la base » le département GE2I de l’IUT d’Annecy en Génie électrique et ensuite faire une licence pro en maitrise des énergies renouvelables électriques. Mais désormais après ma carrière j’aimerais vraiment rester dans le domaine du sport mais je ne me ferme aucune porte.

Benjamin : Comment donnerais-tu envie à un ou une jeune de venir essayer ton sport ?
Christophe : Je lui ferai d’abord découvrir cet aspect vitesse en lui faisant comprendre que courir vite : c’est vraiment excitant ! Moi-même quand je cours le plus vite possible, j’ai plus l’impression d’être dans les airs qu’au sol. Cette sensation de voler, de légèreté est exceptionnelle et je leur souhaite vivement de la découvrir ! Je pense que je leur montrerai aussi le côté compétitif. Lorsque l'on est petit, on aime comparer sa vitesse avec ses camarades et démontrer qui est le plus rapide, on a tous une âme de sprinteur au fond de nous !
Le 6 juillet 2021. Propos récoltés par Benjamin Deschamps. Mise en forme par Lucie Vanlian. Tous droits réservés
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