Benoît Rousselet (Top 14) : "L'arbitrage est un vrai travail d’équipe"
- Benjamin Deschamps
- 30 nov. 2021
- 6 min de lecture
Originaire de la région Rhône-Alpes, Benoît Rousselet, 28 ans, jongle entre son métier de masseur kinésithérapeute et son rôle d'arbitre qu'il tient depuis près de 14 ans. Après une première expérience en Pro D2, Benoit a intégré le Top 14 pour l'année 2021-2022 en tant qu'arbitre central. Il revient sur son parcours, ainsi que sur toutes les facettes du monde de l'arbitrage, relativement méconnu de tous !

Benjamin : Peux-tu nous parler de ton parcours ? Benoît : Je suis masseur kinésithérapeute à Grenoble depuis 6 ans. J’ai commencé le rugby à 5 ans et j’ai joué pendant 15 ans avant de commencer l’arbitrage. Cela fait maintenant 12 ans que j’évolue en tant qu’arbitre.
"Avec l’expérience, nous engrangeons forcément des automatismes pour avoir un œil avisé sur certaines situations"
Benjamin : Pourquoi t’es-tu orienté vers l’arbitrage ? Continues-tu à jouer ?
Benoît : En U15, il y avait des triangulaires : l’équipe qui ne jouait pas devait proposer 2 arbitres. Cela m’a tout de suite plu et c’est de cette façon que j’ai découvert l’arbitrage. Une personne de la Ligue m’a proposé d’essayer d’arbitrer des rencontres plus importantes. Lorsque je suis passé dans la catégorie Cadet, j’ai commencé à suivre les réunions et formations d’arbitre tout en continuant à jouer. J’ai gardé ce rythme pendant 5 ans jusqu’à ce que je monte en Fédéral. A ce moment-là, j'ai du faire un choix. J’ai préféré me diriger vers l’arbitrage car cela me plaisait beaucoup, j’avais plus de potentiel qu’en tant que joueur mais surtout, je pouvais concilier cette passion avec mon métier de masseur kinésithérapeute.

Benjamin : Comment es-tu arrivé à l’arbitrage en Top 14 ? Quelles ont été les différentes étapes de ta formation ?
Benoît : Dans le milieu de l’arbitrage, il y a plusieurs niveaux. Le plus bas, est celui de l’arbitre stagiaire qui donne la possibilité de passer un examen au bout d’un certain nombre de réunions. Une fois détenteur de ce diplôme, nous pouvons arbitrer sur des rencontres en catégorie Amateur. La suite logique est le niveau Territorial avec un examen écrit demandant des connaissances plus approfondies. Enfin, il y a le diplôme Fédéral avec des questions de plus en plus poussées notamment sur les règles du jeu. Associées à cela, nos performances sont évaluées à chaque match. En fonction de nos résultats, nous pouvons gravir les différents échelons plus ou moins rapidement.

Benjamin : Quelles sont les différences que tu as pu remarquer entre l’arbitrage d’un match amateur et professionnel ?
Benoît : Il y a forcément une différence entre le monde professionnel et amateur. Cela se caractérise par la connaissance des règles. Les professionnels savent exactement la raison de leurs fautes alors que les amateurs peuvent parfois méconnaitre certaines spécificités. Il y a plus de fautes dans le milieu amateur. En tant qu’arbitre il faut donc faire plus de tri afin d’identifier si cela a réellement une incidence. Cela permet d’éviter de siffler en permanence. D’autre part, il y’a une vraie différence dans le monde professionnel puisqu’il y a 2 arbitres de touche. Notre rôle est simplifié parce que nous travaillons en équipe, à 6 yeux, contrairement au monde amateur où nous sommes seuls. C’est parfois plus difficile d’être seul plutôt qu’à plusieurs. Avec l’expérience nous engrangeons forcément des automatismes pour avoir un œil avisé sur certaines situations.
"Il y a des sports beaucoup plus compliqués à arbitrer que le rugby"
Benjamin : Qu’est-ce qui est le plus dur dans l’arbitrage ? Arrives-tu à faire abstraction du public et de ses humeurs ?
Benoît : Ce qui m’a toujours dérangé c’est la frustration des joueurs qui, parfois, ne comprennent pas les décisions et pensent que nous sommes contre eux. C’est faux ! Nous essayons de faire un maximum de factuel. Par conséquent, c’est un réel plaisir lorsque que nous arrivons à gérer cela. Avec l’expérience nous canalisons cette frustration.
Concernant le public, nous avons pour consigne de faire abstraction totale, ne pas prendre les critiques personnellement. Or cela s'avère compliqué à appliquer notamment à cause des réseaux sociaux et ses critiques souvent très dur. Il faut essayer de s’en détacher au maximum. Même si c’est difficile nous travaillons cela au quotidien. Nous sommes affectés lorsque les gens nous insultent ou sont contre nous. Ce qui nous affecte le plus est lorsque notre famille ou nos amis entendent ces critiques et sont touchés pour nous. Pour ma part, je n’ai pas l’impression que nous soyons sévèrement critiqués dans le monde du rugby puisqu’il y a de fortes valeurs. Il y a des sports beaucoup plus compliqués à arbitrer.

Benjamin : Comment te prépares-tu pour tes matchs ? Combien en fais-tu par mois ? Benoît : De manière général, nous avons un match par week-end. Nous tournons entre arbitre central, arbitre de touche, arbitre vidéo. D’un point de vu physique, je m’entraine au moins deux fois par semaine à la course à pied et une ou deux fois à la musculation et au renforcement musculaire. Pour la préparation du match, il y a une grosse partie d’analyse. Nous passons beaucoup de temps à regarder les précédents matchs des équipes.
Benjamin : Est-ce qu’il y a des formations spécifiques pour être arbitre vidéo ?
Benoît : Il n’y a pas de formation spécifique. C’est difficile et différent de ce que nous avons l’habitude de faire. Nous travaillons en équipe, avec les 3 postes d’arbitres réunis, donc nous nous épaulons lors les réunions d’entrainements pour être au mieux préparés le jour J.

Benjamin : Comment se passe l’attribution des matchs ?
Benoît : Le Comité de sélection, composé de 4 personnes de la Fédération, s’occupe de désigner les matchs et les arbitres en fonction de nos performances précédentes. Si nous avons fait un bon match, nous aurons au belle affiche et vice-versa. Nous avons nos désignations entre 7 et 10 jours avant le match.
Benjamin : Comment fais-tu pour gérer ton métier d’arbitre à celui de masseur Kinésithérapeute ?
Benoît : J’ai la chance avec mon métier de kiné de pouvoir gérer mon emploi du temps comme je le souhaite. Cela me permet d’organiser mon agenda en fonction du rugby et de mes désignations. Mes journées sont chargées, mais avec une bonne organisation, c’est faisable.
La préparation d’avant-match est essentielle pour s’adapter à ses partenaires et définir une ligne de conduite pour le match
Benjamin : Quels sont tes objectifs dans les années à venir ? Quelles sont les perspectives d’évolution pour arbitrer des rencontres internationales ?
Benoît : Mon objectif de l’année est de m’intégrer rapidement dans la division du Top 14 et d’avoir de belles affiches. Je ne pense pas encore à l’international, je fonctionne étape par étape pour me concentrer sur le Top 14.
Benjamin : Est-ce que vous conservez la même équipe d’arbitrage à chaque match ou cela varie ?
Benoît : Ce n’est jamais la même équipe. L’avantage est que nous travaillons avec tout le monde mais d’un autre côté c’est difficile puisque nous n’avons pas les mêmes repaires d’un arbitre à un autre. La préparation d’avant match est essentielle pour s’adapter à ses partenaires et définir une ligne de conduite pour le match.

Benjamin : Comment appréhende-tu la difficulté de suivre le match tout en écoutant les arbitres dans ton oreillette ? Comment fais-tu pour le pas perdre le fil du match ?
Benoît : Les informations des arbitres assistants doivent être claires, concises et précises. Ils interviennent sur des moments clés et pour de fortes décisions. C’est un vrai travail d’équipe donc cela nous permet d’être à la fois plus appliqué et plus performant. C’est une chance lorsqu’elles sont bien dosées.
Benjamin : Est-il possible de vivre de l’arbitrage de Top 14 en France ?
Benoît : Oui puisque nous avons la chance d’avoir au moins quatre arbitres professionnels. Toutefois, la plupart des arbitres sont amateurs. Comme moi, ils ont un travail à côté.
Benjamin : Quel est ton meilleur et pire souvenir ?
Benoît : Mon meilleur souvenir est d’avoir officié le Derby Bayonne Biarritz lors de ma première saison en Pro D2. C’était un moment extraordinaire : le public, la ferveur du match et l’énorme enjeux. Mon plus mauvais souvenir date d’environ 8 ans. J’ai du arrêter un match en phase finale parce que les joueurs d’une des équipe avaient complètement perdus leur sang-froid et ont reçu un trop grand nombre de carton rouge. La sécurité de l’équipe adverse n’était pas assurée et ce match devenait risqué. Lorsqu’on arbitre, ce n’est jamais plaisant de donner un carton rouge, de voir des joueurs sortir sur blessure à cause de la violence. C’est un sport de passion qui est plaisant à regarder lorsqu’il y a du beau jeu. Ces situation ne devraient pas arriver.

Benjamin : Globalement quelles sont les qualités pour arbitrer dans le haut niveau ?
Benoît : C’est un travail de longue haleine. Il faut écouter les personnes qui sont là pour nous former et nous apporter du positif même si parfois c’est difficile d’entendre que nous avons fait des erreurs. Il faut être capable de se remettre en question et surtout rester soi-même avec sa propre personnalité.
Benjamin : Comment as-tu réussi à te faire respecter au début de ta carrière ?
Benoît : J’ai eu la chance ou l’inconvénient d’avoir débuté l’arbitrage très jeune. J’ai réussi à poser un cadre dès le début. Ce n’est pas parce que je suis jeune que je suis débutant. Il faut avoir confiance en soi mais aussi être capable de garder son sang-froid.. Nous maitrisons notre travail et cela devient plus un avantage qu’un inconvénient.
Le 23 novembre 2021. Propos récoltés par Benjamin Deschamps. Retranscription et design par Lucie Vanlian. Tous droits réservés
Images prélevées sur Google Image.
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