Grégoire (Koh Lanta) : L'ultime survivant
- Benjamin Deschamps
- 21 sept. 2021
- 6 min de lecture
Après plus de 60 jours de survie cumulés en deux éditions, et une victoire à Koh Lanta en 2010, Grégoire Delachaux est considéré comme l’un des meilleurs aventuriers que le jeu ait connu. Sportif endurci et déterminé, il détient la 3ème plus grosse performance de l’histoire des « poteaux de Koh Lanta » en tenant plus de 4h30. Il revient sur son parcours, et nous fait part de son ressenti concernant la vie sur le camp.

Benjamin : Salut Grégoire, pourrais-tu te présenter ?
Grégoire : Je m’appelle Grégoire Delachaux, je suis apiculteur au sein de mon entreprise « Le Miel de Greg », et j’ai participé à Koh Lanta Palawan (Philippines) en 2007, et Koh Lanta : Le choc des héros (Nouvelle Calédonie), où j’ai gagné en 2010.
Benjamin : Pourquoi est-ce que tu t’étais inscris à Koh Lanta ?
Grégoire : Tout d’abord, l’époque où j’ai participé est bien différente de maintenant. Quand je regardais Koh Lanta, c’était de la survie pure et dure. On pouvait voir des participants allongés, qui se reposaient toute la journée. Je me suis dit alors à l’époque « non mais ce n’est pas ça de la survie, je ferai mieux si j’y étais ! ». Alors un jour par hasard, j’ai envoyé ma lettre de candidature, sans savoir pourquoi et je ne sais toujours pas pourquoi aujourd’hui (rires). Probablement pas pour le dépassement de soi, car à cette époque, j’étais jeune, et je ne m’étais jamais dépassé. J’étais tout seul, sans aucune certitude, j’ai envoyé ma candidature et puis basta ! J’avais 24 ans à l’époque, mais j’avais envi de vivre le truc à fond !
« J’ai perdu ma première édition à cause du mental »
Benjamin : Tu as survécu plus de 60 jours cumulés sur deux éditions. Au-delà de l’aspect physique, je suppose que le mental a beaucoup joué ?
Grégoire : Le mental représente au moins 50% de la réussite dans une aventure. Très clairement, lors de ma première édition (Ndlr : Koh Lanta Palawan, 31 jours de survie), c’est uniquement le mental qui a laché, je n’étais pas moins préparé que les autres. Ce sont des épreuves dures mais pas insurmontable. Tout le monde est capable de participer, car dans Koh Lanta, nous retrouvons tout type de personnes. D’un point de vue général, tout se joue avec la tête dans Koh Lanta.

Benjamin : Y a-t-il un domaine où tu t’es étonné ? Ou tu ne pensais pas aussi bien tenir ?
Grégoire : Je pense socialement. Quand je suis parti dans ce jeu, je suis arrivé sans a priori. Mais dès le début de l’aventure, je suis tombé face à des candidats très ouverts et qui discutaient beaucoup. Moi je suis resté plus en retrait à observer. Il a été difficile de trouver sa place d’entrée de jeu, surtout que de très forts caractères se sont également révélés dès le début. Naturellement, j’ai réussi à m’intégrer par la suite, tout en restant moi-même, mais je ne pensais pas pouvoir m’ouvrir aussi bien aux autres.

Benjamin : Comment as-tu trouvé ce regain d’énergie pour avancer de jour en jour dans la douleur aussi bien physique, que mentale ?
Grégoire : Franchement, j’ai eu la chance de tomber sur une équipe très humaine, lors de ma première édition, et ça te maintient ! Quand tu as une baisse de moral, rien de mieux que tes partenaires pour te remettre d’aplomb. Lors de ma deuxième aventure, j’ai affronté des stars (Frank Leboeuf, Taig Khris…), et ils avaient « un complexe de supériorité », de part leur réputation. Nous nous sommes donc lancé un véritable défi, à savoir, de battre ces personnalités, et toute cette motivation a été source d’énergie tout le long de l’aventure.
"L’intégration est la clé pour réussir dans Koh Lanta"
Benjamin : Tu as remporté « Koh Lanta : Le choc des héros » en 2010, comment es-tu arrivé jusqu’au bout ?
Grégoire : Quand on gagne, c’est quand même principalement lié à la chance. L’édition où je gagne est un peu particulière, car elle opposait une équipe d’anciens aventuriers, à une équipe de champions. Nous n’avons pas connu de trahison, ni d’alliance, donc je me considère chanceux d’avoir pu esquiver tout ça. L’intégration est la clé de tout. Il faut écouter, parler mais ne pas trop en faire, savoir se remettre en question, et surtout ne pas prendre trop de place. De toute façon, les manipulateurs, se font très fréquemment éjectés, c’est rare lorsqu’ils arrivent jusqu’au bout ! On se retrouve souvent avec des aventuriers plus faibles, à la fin, qui commandent et qui commentent moins ! Après physiquement j’étais au top de ma forme, donc tout roulait pour moi !

Benjamin : Qu’est-ce qui fait les armes d’un bon aventurier ?
Grégoire : Koh Lanta, n’est pas vraiment un jeu d’aventure, c’est plutôt une épreuve psychologique, sur une île, où tu es enfermé. Sur chaque île, il y a un caméraman, un preneur de son, et un journaliste, et tu n’as absolument pas le droit de leur parler, sans aucune exception ! Seul le journaliste peut te poser des questions afin de réagir devant la caméra. Lorsque l’on se déplaçait entre les épreuves par bateau, nous ne pouvions pas non plus nous lever, ni parler avec qui que ce soit ! C’est une sorte huis clos, comme dirait Jean Claude Sartre : « L’enfer, c’est les autres ». C’est ici qu’il faut savoir se dépasser : c’est une aventure humaine et psychologique, l’objectif est plutôt d’arriver à se fondre dans la masse et à vivre en communauté, avec des gens d’horizons très différents !
Pour la petite anecdote, la production m’empêchait de monter en haut des cocotiers, pour éviter que je me fasse mal, et les déposait discrètement au sol, sans qu’on les remarque, pour que l’on n’ait pas à grimper. Y a une part d’organisation : beaucoup d’argent est investi, et l’émission dégage un énorme bénéfice derrière ! Rien n’est truqué, mais nous ne sommes pas Mike Horn (rires). Nous ne sommes pas de vrais aventuriers, c’est plutôt « qui se débrouille le mieux dans cette jungle humaine ». Même en faisant du feu, je ne me suis pas senti comme un grand aventurier, juste comme un candidat qui essaye de survivre le mieux possible !
"Sur les poteaux, la moindre erreur de concentration peut te faire tout perdre"

Benjamin : Tu as remporté la mythique épreuve des poteaux (plus de 4h), comment as-tu réussir à tenir aussi longtemps, en mêlant fatigue, concentration et équilibre ?
Grégoire : Je me suis assez étonné sur ce coup-là ! Nous n’avons pas de montre, on ne devine pas le temps qui passe. De plus, c’est la fin du jeu, mais c’est cependant l’épreuve la moins fun : on est debout à tenir sur un poteau sans rien faire d’autre, rien n’est très intéressant, quand je compare cette épreuve à celle du cochon pendu. Tout le monde pourrait réussir à tenir sur des poteaux ! Cela étant, on a faim, on veut rentrer chez soi, c’est le dernier jour d’aventure, mais il y a cette motivation qui te dit « je ne peux pas lâcher maintenant, avec tout ce que j’ai vécu ».
Je pense que j’aurai même pu tenir encore plus longtemps, la météo était bonne, je regardais l’horizon, en faisant gaffe à ne pas regarder mes pieds, ce qui m’aurait déconcentré, et il a fallu se concentrer très longtemps. Je me souviens avoir uriné sur les poteaux au bout d’une heure, mais j’ai du me retenir deux heures plus tard, car la moindre défaillance en termes de concentration, et tout s’écroule.
Au bout de 4h30, nous avons même terminé l’épreuve sur 1 pied avec Freddy (Ndlr : Freddy Boucher, recordman de participations à Koh Lanta), et ce jour-là, j’avais la forme suffisante pour l’emporter !
"La vie est bien plus dure que Koh Lanta, la vie est un défi permanent"
Benjamin : Comment as-tu réussi à te démarquer des autres ?
Grégoire : Physiquement j’étais au top, je faisais de l’élagage, et c’est un métier ou tu es dehors toute l’année, tu te travailles sans relâche au quotidien, et donc ça m’a permis de m’endurcir physiquement. J’étais plus préparé que les autres je pense.
Après, je croise certaines personnes, qui me disent être admiratives de mon parcours, mais je répète sans cesse, que la vie est bien plus dure que Koh Lanta, qui est une émission de télévision qui dure 30 à 40 jours, ça s’arrête au bout d’un moment. C’est moi qui aie choisi d’être ici, dans ce pétrin, je dois assumer. Alors que dans la vie, ne s’arrête jamais, on n’a pas toujours le choix, et il ne faut jamais lâcher. Je trouve que la vie en générale, est un vrai dépassement de soi, aussi bien physique, que psychologique. La vie est un défi permanent. Dans les ¾ de la planète, des gens vivent dans la précarité, et vivent une sorte de Koh Lanta tous les jours, avec peu de moyens, et peu de ressources. Il faut savoir relativiser lorsque nous sommes à Koh Lanta, certes la souffrance est présente, mais elle est passagère, alors autant en profité à fond. C’est comme lorsqu’un marathonien souffre dans les derniers kilomètres : il continuer à forcer et à profiter de cette douleur physique qui n’ait que passagère, mais qui lui apporte du plaisir.
Au quotidien, j’aime être surmené, voir jusqu’ou je peux aller, et c’est ça qui, je pense, m’a fait gagner Koh Lanta, j’ai voulu plus me surpasser que les autres, et la détermination est le fruit de la victoire !
Le 21 septembre 2021. Propos récoltés par Benjamin Deschamps. Retranscription et design par Lucie Vanlian. Tous droits réservés
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